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Des épisodes de sécheresse récurrents

Une hydrologie contrainte à l'étiage

L’étiage correspond à la période de l’année hydrologique où les rivières atteignent naturellement leurs niveaux les plus bas.

Dans le département des Pyrénées Orientales, nos cours d'eau sont soumis à un régime climatique pluvio-nival méditerranéen. La Têt présente ainsi un débit maximal au printemps lors de la fonte des neiges, suivi par une période de basses eaux qui s’étale du mois de juillet jusqu’à l’automne où le cours d'eau subit alors de fortes températures estivales. Bien qu'annuellement les précipitations soient relativement importantes (environ 870mm pour une année moyenne à Perpignan), elles sont réparties de manière inégales sur l'année.
Ces phénomènes cumulés de fonte de neige, d’évapotranspiration et d'épisodes pluvieux entrainent une forte variabilité intra-annuelle des débits des cours d'eau.
débit naturel moyen de la Têt à Perpignan
 
Le bassin de la Têt présente également une grande disparité géographique. En moyenne 29l/s/km2 d’eau sont générés à Mont Louis contre 8.3 l/s/km2 d’apport en eau à Perpignan. L'amont du bassin est donc le principal producteur de la ressource avec de nombreux affluents en rive droite de la Têt bénéficiant des apports provenant du massif du Canigou.

Des indicateurs ont été construits pour permettre aux gestionnaires de l'eau de suivre et de caractériser la sévérité de ces étiages en différents lieux du cours d'eau. On retient trois indicateurs couramment utilisés lorsque l’on parle de gestion de la ressource en eau :

  • Le module d’un cours d’eau : débit moyen annuel sur plusieurs années en un point d’un cours d’eau, Il permet d’observer comment évolue en moyenne le débit le long de la rivière.
  • Le QMNA5 : débit mensuel minimal annuel qui a statistiquement 1 chance sur 5 d’avoir lieu chaque année. Il permet de mettre en évidence l’ordre de grandeur des débits s’écoulant dans la rivière lors de mois d’étiage marqués.
  • Le débit biologique : débit moyen mensuel de soutien du bon état des eaux. Ils constituent des objectifs à atteindre en moyenne mensuelle pour les mois d’étiage au niveau de tous les points nodaux du bassin versant (points nodaux SDAGE et non SDAGE).

Les indicateurs de module et de QMNA5 sont présentés dans le tableau ci-après pour différentes stations de cours d'eau.

Bien que l’étiage soit un phénomène naturel, il peut toutefois être accentué par les prélèvements d’eau pour nos usages. C’est le cas sur le bassin de la Têt, où l’étiage est plus prononcé en période estivale, notamment sur l’aval du bassin, du fait des nombreux prélèvements.

 

De multiples usages préleveurs

L’usage de l’eau dans la vallée de la Têt est une pratique ancestrale. Les canaux d’irrigation agricole, l’alimentation en eau potable de certaines communes par la ressource superficielle, les activités piscicoles, touristiques, industrielles et hydroélectriques, ainsi que la production de neige constituent une pression anthropique sur le milieu. voir le détail des usages

  • Vergers de la Têt © A.MANGEOT
  • Elevage - © A.MANGEOT
  • Canal de la Restanynes à Sahorre
  • Usine hydroélectrique de Sahorre
  • Prise en rivière du Cady (SIVOM Vallée du Cady) ©SATEP
  • Station d'épuration de Vinça © FRANKEL -CD66
  • Pêche en rivière ©A.MANGEOT
  • Retenue de Villeneuve de la Raho © FRANKEL-CD66
  • Neige de culture

Il existe sur notre territoire un patrimoine de plus de 150 canaux d’irrigation qui prélèvent dans les cours d’eau pour irriguer par gravité ou par sous pression les terrains agricoles compris dans leur périmètre. Ils représentent à eux seuls plus de 8 fois le linéaire de la Têt (950km de canaux pour 120km de cours d’eau !). Certains datent même du moyen âge.

La période d’étiage coïncide donc avec des besoins en eau croissants pour l’irrigation des cultures de juin à octobre (maraichage, arboriculture, etc.), ainsi que pour l’alimentation en eau potable des communes du territoire qui accueillent chaque été, une importante affluence touristique (doublement de la population à l’échelle du département !) notamment sur la zone littorale.
 

Pourquoi dit-on que la Têt est actuellement en déséquilibre quantitatif ?

Quand un étiage naturel sévère se combine à des besoins humains croissants, la ressource disponible dans les cours d’eau ne permet pas toujours de satisfaire à la fois les besoins du milieu et les prélèvements des différents usages.

A l’échelle du bassin versant de la Têt, le graphique ci-après montre que le débit naturel quinquennal sec entre mi juin et août est inférieur aux besoins en eau totaux de la Têt. Si c’est bien dans la zone aval que l'allocation besoin - ressource est la plus tendue, les volumes prélevés dans la zone amont ne sont pas partout compatibles avec le respect des débits biologiques.


Bilan de la ressource (débit naturel quinquennal sec) et des usages (prélèvements nets AEP et irrigation) à l'échelle du bassin de la Têt à Perpignan

Pour soutenir l'étiage, c'est à dire aider à la réalimentation du cours d'eau pour augmenter son débit, la régulation des barrages permet d’augmenter les volumes prélevables pour répondre à la demande.

Les lâchures du barrage des Bouillouses

La retenue des Bouillouses contrôle les 29 km² les plus amonts du bassin versant. Le barrage (capacité de 18 Mm3) est voué à l'hydroélectricité ainsi qu'au soutien d'étiage des prélèvements agricoles (usage institué par la convention de Lanoux du 10 février 1953).

Des possibilités de lâchers par les Bouillouses sont utilisées certaines années, mais rarement à leur maximum ce qui laisse une marge de manœuvre pour la satisfaction des besoins à l'aval.

Vue du barrage des Bouillouses

Vue du barrage à Vinça

Le soutien d'étiage du barrage de Vinça

Le barrage de Vinça est le plus important des deux barrages présents sur le bassin et influence de fait l'hydrologie de la partie aval du bassin. Implanté (mise en eau en 1976) à environ 30 km à l'amont de Perpignan, le barrage de type poids béton est une des conséquences de la crue de 1940. Il assure aujourd'hui une double fonction d'écrêtement des crues (période de retour 60 ans) et de soutien d'étiage. Propriété du Conseil Général il est géré par BRL (prestation de service). Le barrage contrôle 940 km² soit plus de 70 % de la surface totale du bassin versant de la Têt (et plus de 90% des débits). Le volume utile disponible est de 24,2 Mm3.

La gestion du barrage de Vinça et le partage des débits en étiage entre les différents canaux est réalisé au sein d’un comité de barrage qui réunit le Conseil Général, les représentants des services de l’état, la chambre d’agriculture, les syndicats, l’ACAV (représentant les différents canaux à l’aval du barrage du Vinça), les exploitants de barrages (BRLexploitation et la Shem), et la ville de Perpignan. En conditions hydrologiques normales il se réunit chaque mois, mais en période de pénurie, la fréquence des réunions devient hebdomadaire.

Mais ce soutien d'étiage ne permet pas toujours de prévenir la crise...

Quand survient la crise sécheresse ?

Si malgré ces différents apports, le déséquilibre besoins-ressources devient trop marqué, c’est la crise sécheresse.  Les indicateurs en rivière passent au rouge et la Préfecture réunit un comité d’experts et d’usagers. Il peut décider de prendre un arrêté sécheresse. Ce dernier impose des restrictions en termes de volumes d’eau de manière progressive et prioritaire selon les usages (restriction pour l’arrosage des pelouses, le lavage des voitures, le remplissage des piscines, les prélèvements agricoles…).. Au cours des dernières années, le bassin versant de la Têt a subi de manière récurrente des arrêtés sécheresses sur ses cours d’eau, principalement en période estivale, et récemment en période hivernale (1998, 2007, 2012).
 
En 2013, un sévère épisode de sécheresse et de besoins en eau cumulés a provoqué un assec de la Têt au niveau d'Ille sur Têt.
 

Quels enjeux à retrouver l'équilibre ?

  • L’atteinte du bon état de la Têt, objectif de la Directive Cadre sur l’Eau, est un enjeu majeur de la gestion de l’eau dans le bassin. Une étude volumes prélevables a été réalisée en 2012, et permet de déterminer les besoins du milieu (débits biologiques à respecter).
  • Faire face à l'impact du changement climatique sur les ressources en eau des Pyrénées orientales. Les températures pourraient augmenter de 1 à 1,5°, [0,4 à 2°] en tenant compte des incertitudes, tandis que la pluie connaitrait une tendance à la baisse jusqu’à -10% [+30% à -25%]. Ces augmentations de la température et diminution conjointe de la pluviométrie s’accompagneraient d’une diminution significative de la neige (Projet Vulcain, 2009).
  • Le changement climatique impactera également les usages. L’augmentation des besoins en eau potable est difficile à estimer, mais pendant la canicule de 2003, les services d’eau ont observé une augmentation substantielle de la consommation en eau potable par rapport aux autres années avec une augmentation générale des besoins en eau agricoles d’environ 20% à l’échelle du bassin de la Têt.
  • Les eaux superficielles du bassin de la Têt sont utilisées pour l'alimentation en eau potable surtout sur la partie amont du bassin versant, notamment par le captage de sources. Avec l’augmentation de la démographie et de la fréquentation touristique que connaissent les Pyrénées Orientales, les prélèvements en eau  augmentent fortement depuis ces dernières décennies.
  • A l’heure actuelle, les prélèvements en eau pour les canons à neige restent relativement limités, environ 500 000 m3/an (en l’état actuel des connaissances). De plus, cette eau n’est pas consommée mais pour l’essentiel stockée sous forme de neige, qui retourne dans les cours d’eau au moment de la fonte. En revanche, une partie de cette eau est transférée sur les pistes de ski localisées sur les bassins voisins. Ce transfert à l’échelle de la Têt reste très mesuré. A l’avenir, il est possible que le prélèvement des canons à neige augmente pour pallier le déficit de neige, soit qu’ils ne puissent plus fonctionner suffisamment en raison de l’augmentation de la température. L’évolution de cet usage est donc incertaine.

Ce qu’il faut retenir : Il n’y a pas de déséquilibre quantitatif structurel en l’état actuel des connaissances mais il existe des déséquilibres conjoncturels et locaux que la présence des barrages ne permet pas en tout temps d’éviter et qui demande un effort de gestion plus poussé par l’ensemble des gestionnaires de l’eau du territoire.

FORCES

Une ressource en eau globalement abondante sur l'année et régulée par 2 barrages

Une concertation des principaux préleveurs agricoles et du Conseil Départemental pour la gestion des barrages

Un important patrimoine de canaux pluriséculaires et multifonctionnels (adduction d'eau brute, assainissement pluvial, recharge de la nappe quaternaire, corridors écologique, alimentation de bassins et de zones humides, maintien de l'activité agricole et du paysage, ...)


MENACES

Changement climatique et diminution des apports

Augmentation de la démographie et de la fréquentation touristique

Déclin de l'agriculture et de l'entretien des canaux

FAIBLESSES

De faibles précipitations en été et un étiage estival marqué

Un système de nappes Plio-Quaternaires très exploité, avec un niveau piézométrique du Pliocène en constante diminution depuis 50 ans

Des usages qui impactent fortement les écosystèmes de la Têt, par un court-circuitage de tronçons (canaux, hydro-électricité)

Des prélèvements bruts par les canaux qui dépassent les besoins des stricts usages agricoles

Un cycle de l'eau anthropisé dans la basse vallée (les canaux réalimentent la nappe quaternaire qui est prélevée par de nombreux usagers AEP, agricoles et domestiques)

Une irrigation à la parcelle relativement économe à l'aval (goutte à goutte)


OPPORTUNITES

Mise en place d'un Plan de Gestion de la Ressource en Eau, c'est à dire d'une réflexion sur l'adéquation entre ressource, besoins du milieu et prélèvements

Nombreuses études en cours sur le territoire (études canaux, schéma pour l'eau potable, opportunités de stockage, gestion des barrages,...)